désolé
Donc en partenariat avec le site Black City, on a été interviewer LIM, qui est évidemment venu accompagné de JP, Samira, Capitaine Kwassi, Mida, BBM et Moha Le Vagabond.
Nostalgie, gros mots, lunettes noires et bonne humeur sont au rendez-vous, ou-hou.
La dédicace à la fin est probablement le plus grand moment de toute ta vie, surtout si tu connais ce mec.
Classé dans Interview (et ouais mon pote !)
Donc une fois n’est pas coutume, vu que le DVDRIP est de sortie (parce que oui, on est des clodos, on peut pas le faire pour la sortie du film, mais on va pas non plus attendre celle du dvd), je me suis dit que ce serait cool de partager avec vous les moments privilégiés que j’ai passé avec l’équipe du film Robocop (on pourrait croire que je parle d’une partouse mais pas du tout). Attention c’est pas la version culte de 1987 mais celle du reboot de 2014.
On va pas se mentir la principale qualité de ce film ce sont les vidéos ci-dessous. Il est à noter que ce sera sans doute la dernière intervention des célèbres baskets de Spleenter en milieu cinématographique (j’ai explosé les semelles).
Gary Oldman, the man, the myth, avec une super blague à la fin
Joel Kinnaman, l’acteur principal, avec une super blague au début
José Padilha, le réalisateur, avec une super blague au milieu
et ça c’est Robocop – Our Remake, un film financé grâce à un crowdfunding parmi des fans cinglés (55 réalisateurs au total) qui a logiquement donné un « remake » totalement mongol, avec notamment des partis pris audacieux comme « on s’est dit : dans l ‘original Robocop flingue la bite d’un mec. Comment faire mieux ? On n’a qu’à lui faire flinguer la bite de 20 mecs !« . Je vous passe les autres retouches style la mort de Murphy transformée en comédie musciale, les dialogues absurdes, les scènes d’action à la Hot Shots, les références à des trucs totalement HS, etc. Si vous avez le temps et si vous avez pas de souci avec l’anglais, n’hésitez pas, cette oeuvre porte clairement le #BlavogSealOfApproval
Classé dans cinoche
Genono : Ton bouquin est présenté comme une « autofiction ». Quelle est la différence avec une autobiographie ?
Gab1 : On m’a conseillé de ne jamais dire que c’est autobiographique. J’ai compris cette subtilité quand j’écrivais ma 4e page. Il vaut mieux que ce soit auto-fictif, ou je ne sais quoi, plutôt que je dise « c’est autobiographique », parce qu’il y a ce qu’on appelle de nos jours la prescription. Et si c’est romancé, c’est romancé ! On m’a dit « est-ce que c’est la vérité ? », j’ai répondu « y’a prescription, c’est toi qui vois ! » (rires)
Je suis pas fou, y’a assez d’exemples comme ça. Les ricains l’ont fait avant moi, y’en a pas mal qui sont au trou à cause de leurs bouquins. Je suis pas trop con, je suis stupide, mais pas tant que ça.
Genono : T’as passé combien de temps à l’écrire ?
Gab1 : C’est le problème de l’écriture. Pour faire bien, je devrais te dire « j’y ai passé 19 ans ». Faux. Il était déjà mûrement réfléchi dans ma caboche pendant les 5 piges où j’étais en calèche à Berlin. Ensuite y’avait la musique, le cinéma, le bordel, donc un moment tu mets en suspens, un moment tu reprends, donc tu peux le chier en 2 mois, comme tu peux le chier en 6 ans. Ça dépend de toi, la richesse de ta javance, si t’en as. Si t’en as pas, tu vas galérer pendant un long moment.
Genono : T’as tout écrit tout seul, ou tu t’es fait aider ?
Gab1 : J’ai fait appel à plusieurs personnes. Déjà, je sais pas taper au clavier. J’avais pas les burnes, ou la gamberge adéquate, pour me dire comment j’allais mettre tout ça sur une nappe. 310 pages, tu comprends pas, le format, etc. Et avec le temps, puisque maintenant je connais beaucoup de gus qui sont dans les bouquins, Abd al Malik, que je connaissais déjà depuis 15 piges, avait fait le sien, et Rachid Bouker, avec qui j’ai fait de la boxe, m’ont expliqué un peu le délire. Et j’ai surtout pas voulu jacter comme Guy de Maupassant !
Au départ, t’as un langage qui est un peu trop soutenu, alors que c’est pas le tien. Je me reconnaissais pas dedans, et j’entravais pas grand-chose à tout ce baratin. Donc dis-moi comment tu fais, montre-moi, et moi je vais faire derrière. Y’a un moment, faut apprendre ! Moi le clavier, à part taper « Youporn » ou « All Best Fights », y’a pas de baratin pendant 6 heures.
Genono : La 1ère version de « J’t’emmerde » durait 10 minutes. Tu citais qui dedans ?
Gab1 : Tout le monde ! Trop de monde.
Genono : Par exemple ?
Gab1 : Bah, ils existent plus maintenant. La moitié, je les ai poussés à la retraite, et y’en a d’autres, ils étaient dans un trou, et y’avait pas d’échelle. C’est aussi simple que ça !
Genono : Actuellement, tu travailles sur un nouveau bouquin ?
Gab1 : Ouais, je suis dans l’obligation d’en faire un 2e. C’est comme la chanson : t’en fais un, on te dit que c’est un coup de bol, donc faut que t’en fasses un deuxième. J’ai pas l’intention d’en faire 150, c’est comme la musique. 3, c’est bien. Je marche par 3. Pour l’instant j’ai fait 2 albums, d’ailleurs le 2e est en procès, j’ai gagné …
Genono : Il est en procès pour quoi ?
Gab1 : Spoliation, etc. Universal, j’ai pas l’intention de me faire niquer ! En 2010, il a fait qu’un mois dans les bacs ! Les Pascal Nègre et compagnie, vous êtes bien marrants avec Hadopi, mais si vous volez, vous, sans Hadopi, c’est encore meilleur ! Mon album il est chez Universal, c’est moi pose 16000 euros, mais j’ai pas vu mon blase ! Mais j’ai un avocat, ça a commencé en 2010, y’a eu le jugement en février 2013, et la délibération là (interview réalisée en mai 2013). Ils sont en appel, c’est pas mon problème. Sachez-le, c’est des voleurs. La France, c’est un pays de droits ! Et arrêtez de croire que je suis un cul-cul. Je suis né dans ce patelin !
Genono : Pour revenir à ton bouquin, ça va parler de quoi ?
Gab1 : Je vais pas te le dire, quand même ! Si je te le dis, y’a une galère !
Genono : J’ai cru entendre dire que c’était sur la vie de tes anciens compagnons … ?
Gab1 : Quels compagnons ? Les seuls compagnons que j’ai, ils sont dans le Bosphore. Parce que j’ai été une sorte de troubadour ! Dans le livre, j’ai pas voulu rester dans le carcan « cité, on reste là » … ça, tu l’as tous les jours, donc j’ai pas besoin de te le mettre dans un bouquin. Et justement, dans le 2, je vais pas trop en dire, mais c’est pareil.
Genono : Y’a un 3e album aussi ?
Gab1 : 3e album, oui. Mais lui, il sera beaucoup plus difficile, parce qu’il me faut des gratteurs. Il me faut des rockeurs !
Genono : C’est un album rock ?
Gab1 : …
Genono : Tu peux rien dire ?
Gab1 : J’te le dirai hors-antenne ! J’ai pas la science infuse dans le rap, pour moi, tu dis ce que tu veux, quand t’as envie de le dire. C’est une variété de musique. Et à l’intérieur, t’as encore des cloisons. Gangsta, conscient, inconscient, j’en sais rien … Tout est mélangé. Faut revenir à l’essence première du rap, c’est-à-dire : la musique. On est resté bloqués sur un seul côté de la musique, alors que quand tu prends les premiers trucs de peura … Cypress Hill, ou le 1er Beastie Boys, mais sans les boites à rythme, qui te font mal à la tête parce que c’est trop lent. Anthrax, qu’est ce qu’il y a eu encore … un ou deux morceaux de Limp Bizkit, qui étaient pas trop loin de ce qu’il y avait avant.
En concert, le rap, j’ai pas l’impression que ça bouge. T’es là, t’as l’impression que t’es dans une usine, c’est pas mon délire. C’est trop calme.
Genono : T’es pas vraiment amateur de rap à la base.
Gab1 : Je suis amateur de musique ! Le rap est arrivé, j’avais 17 ans !
Genono : Alors pourquoi tu t’es lancé dans le rap ? Pourquoi pas autre chose, comme le rock ?
Gab1 : Ça coule de source : parce que j’ai déjà des exemples avant moi. FFF ! La France est un grand pays de racistes ! On leur a dit « votre groupe marchera mieux si y’a plus le bamboula à l’intérieur »… résultat, le bamboula il est plus là, votre groupe n’existe plus ! La France est un grand pays de racistes, et je suis français. J’irai pas chanter La Marseillaise, parce que c’est la plus grande connerie au monde. Nos racines profondes, c’est l’impérialisme. On est pas le berceau des droits de l’homme.
Genono : Après, t’as un projet de DVD ?
Gab1 : Street Workout !
Genono : Tu peux nous en dire plus ?
Gab1 : Nooooo ! On m’a toujours dit que je devais toujours faire plus que les autres, par rapport à mon âge, et par rapport au milieu de merde dans lequel je suis. Je ne jalouse personne, je dis juste : faites ! Donc je fais. Tu dois innover. Je suis arrivé dans ce bordel, j’ai innové. Et j’innoverai tout le temps ! C’est ça le truc : essayer de pas faire comme les autres.
Genono : Un film sur ta vie, ça pourrait se faire ?
Gab1 : Faudrait peut-être que les gus ils l’achètent ! Mais jusqu’à maintenant, je vois pas une adaptation de la vie d’un noir, faite par des blancs. Je te le redis, tu sais dans quel pays on est. Les gens adorent comment je jacte… mais si j’avais été blanc, ça aurait été mieux. C’est pour ça que je suis fatigué.
On te dit qu’il faut toujours dire que t’es fier d’être français. J’en ai rien à foutre. Je suis français, stop, basta. Ça vous emmerde que je jacte comme je jacte, mais je suis né ici, je suis pas né en cité ! Ma gouaille elle est de là ! « Tu jactes comme Audiard », ouais mais quand t’arrives au cinéma tu peux pas t’exprimer comme ça. Le langage qu’ils ont au cinéma, ils sont peu à le parler. C’est pour ça que leur baratin, ça m’a toujours fait rire.
Hooligan, j’en suis un aussi. PSG, j’y vais plus, c’est plus vraiment ça. Je ressens plus le « Paris » là-dedans. On est 1ers du championnat, meilleure attaque, meilleure défense, meilleur ceci-cela. Et hier j’entendais encore un mec dire « ouais mais on a trop de cartons jaunes ». Mais va te faire foutre toi et ton fair-play ! T’as qu’à faire du volley ! Et généralement, les mecs qui parlent de foot, c’est des gros lards, des mecs qui courent après leur fourchette ? Pierre Ménès, ce genre de couillon. Parler de foot, c’est pour les gens qui aiment le foot, qui le pratiquent. Si t’es un gros porc qui sait juste courir après ta fourchette, faut la fermer ta gueule, et faut la fermer comme il faut.
Aujourd’hui j’ai 46 piges, et je suis fatigué de cette hypocrisie ambiante … Je suis désolé, à chaque fois je vais à droite, à gauche, mais c’est comme le bouquin. On a un président qui nous a dit « on va tout changer ». Mais y’a que des voleurs ! Et moi, ils veulent me plumer, ils veulent me taxer comme un salopard. Mais taxez déjà tous ces connards qui ont 3 jobs cumulables ! Hollande, t’es mou du gland mon pote. Fais quelque chose, connard ! Non, pas connard … fais quelque chose, môssieur le Président. Et laissez Mélenchon dans son coin, il sert à rien.
Genono : T’as des retours sur le bouquin ?
Gab1 : Que du bon. Je suis étonné, sans être étonné. J’ai jamais été un mec qui cherche à savoir les chiffres, même dans la musique. Si t’arrives à prendre du gnongnon avec, et à vivre avec, youplaboum. Mais ça va pas plus loin. Les gens ont besoin de reconnaissance, mais moi depuis que j’ai 16 ans je suis connu. Tu vois ce que je veux dire ? J’en ai rien à foutre. Faut être ce que l’on est. On est des gens, point. Je fais le bouquin, tu l’achètes pas, il se passe quoi ? Rien. Je fais un album, les gens n’achètent pas l’album, il se passe quoi ? Rien. Faut savoir qui on est, d’où on sort, et comment ça marche. Je fais des autographes, des photos, tous les jours, depuis 2003. Je m’en plains pas, mais j’en ai rien à foutre. Ça fait partie du truc. C’est comme si tu me disais « va acheter un ticket ». Nan, je fraude. Tu sais pourquoi ? J’adore courir ! (rires) J’adore courir et sauter, c’est con mais c’est comme ça.
Genono : Parle nous du morceau avec Despo Rutti y’a quelques années.
Gab1 : Ça fait 5 piges. J’étais chez moi, on m’appelle, c’était Despo Rutti, avec Mac Tyer et la plus grande salope que la terre ait connu : mon ex-poto Maurice. Et donc, on me propose un featuring avec ce « newcomer », je dis ok, à condition que ce newcomer n’aille pas à droite, à gauche. Je fais pas de featurings parce que généralement, j’ai rien à dire aux mecs, et les mecs n’ont rien à me dire. Ils peuvent me raconter ce qu’ils veulent, je sais que les mecs n’ont absolument rien fait tous seuls. Vous êtes loin d’assumer vos vies ! Et je sais de quoi je parle.
Donc voila, on a fait le morceau, bagnoles, bolides, j’ai dit ok, je vais tout te faire en allemand. Je vais te faire la description d’une bagnole en allemand !
Genono : Pourquoi en allemand ?
Gab1 : Les bolides, c’est allemand ! C’est pas français, désolé. J’aime les BM, j’aime les Mercedes, et j’adore le métro ! (rires) J’ai été en Allemagne, donc les grosses caisses, je sais ce que c’est. Et un bolide, c’est sûrement pas une Peugeot, ou je ne sais quel truc de merde, Renault mes couilles.
Spleenter : Mac Tyer, c’est ton cousin ?
Gab1 : Heu nan ! Son oncle, c’est mon homonyme, nous avons grandi ensemble, nous sortons du même bled. On a un langage en commun, une couleur en commun, un pays en commun, et des conneries en commun. On se connait depuis qu’on a 15 ans, et on a le même âge. Dans les Requins Vicieux, y’avait Grand Charles, c’était lui, et Petit Charles, c’était moi.
Spleenter : Et du coup, y’a pas de …
Gab1 (anticipant la question, tel un grand visionnaire) : Nan, y’a pas de … on est pas sur la même ligne conductrice ! Absolument pas, pas une cacahuète. Je suis un self-made-man. Je regarde tout ce bordel, les gens qui parlent, etc. Je serais dans ton quartier, je saurais qui tu es ! Je verrais qui tu es ! Et tu n’es pas ce que tu dis.
Spleenter : Y’a le clip Petit frère, petite sœur où t’étais en guest à la fin …
Gab1 : Ouais, justement. C’est par une déviation débile de l’autre espèce d’enfoiré numéro 1, que je qualifierais même de fils de pute, hein, j’en ai rien à foutre. Je le redis : venez, si vous avez que ça à faire. L’histoire elle est réglée.
Genono : Sur ton 2e album, t’as collaboré avec Zoxea …
Gab1 : J’ai fait un seul morceau avec Zoxea : Enfin. C’était la 1ère fois que j’allais en Afrique Noire, j’avais 40 piges. Donc voila, j’ai fait le morceau, par le biais de JP (Less du 9). Au départ, ça devait être juste un refrain, le refrain est sorti sur un autre bordel, et j’ai senti ça comme une petite carotte. Et j’ai regardé les gens et j’ai dit « si vous pensez que vous êtes super intelligents, bah y’en a un 2e les mecs ! ». Mais j’ai bien aimé le morceau. Y’avait 2 versions au départ, ça c’est la version qu’eux ont jugé fantastique. Je cherchais un mec avec un accent « cain-cain ». Pas ricain, « cain-cain ». Et j’étais loin de savoir que lui en avait un, et il l’a fait très très bien. C’est peut-être pas le morceau que je préfère dans l’album, mais c’est un morceau qui me tient vraiment à cœur.
La collaboration, elle était pas désignée, même pas en rêve. Zoxea, j’écoute pas ce qu’il fait, même pas une cacahuète, depuis la nuit des temps hein, ça a jamais été ma tasse de thé. Et c’est JP, que moi-même j’écoute pas alors que j’étais son producteur … ils peuvent te le dire hein, j’ai jamais écouté Less du 9, Casey, et compagnie. C’est juste des signatures, et c’était dans mon dos les signatures, parce que moi, jamais de la vie, c’est pas possible. Bref, pour en revenir à la chose, j’ai bien aimé le bordel, donc j’ai dit ok.
Genono : Y’a des rappeurs que t’aimes bien, en vrai ?
Gab1 : T’as pas à aimer … t’apprécies, ou t’apprécies pas.
Genono : … que t’écoutes ?
Gab1 : Voila, les gens viennent toujours avec « aimer ». Bah j’vais dire, j’t’aime pas ! T’es pas ma gonzesse !
Genono (visiblement déterminé à obtenir au moins une réponse qui ne soit pas complètement à côté de la question) : … musicalement, y’en a qui te parlent ?
Gab1 : Musicalement, y’en a qui m’intéressent. Rappeurs français… très peu ! (rires) Rappeuses française… néant ! Rappeurs français, y’en a quelques-uns, mais je ne donnerai pas de blases. Déjà, tous ceux qui font avancer le schmilblick. Y’en a pas des masses. Musicalement, y’en a qu’un ou deux qui font avancer la chose. Textuellement, dans le rap-game, per-sonne. Ils peuvent raconter ce qu’ils veulent, per-son-ne. Vous n’achetez que votre crédibilité dans la rue. Vous êtes tout ce que la rue n’est pas. Eux, ils te montrent tout l’inverse de la rue ! Rien à voir avec wam. Je suis un demi-sel, et je reste un demi-sel.
Pour moi, dans le rap, y’en a que 3. Et sur les 3 qui foutent la merde, y’en a qu’un. Les deux autres tu peux les mettre sur le côté. C’est que les sucettes du premier. Y’en a un, il est distinctement pourri, y’a pas de problème. (rires)
Spleenter : et les rappeurs plus jeunes que toi, dans le 19ème ? On t’avait retrouvé dans la tape Mon arrondissement favori.
Gab1 : Ouai, bah je suis du 19ème, donc forcément ! C’est un « conflit générationnel ». Vous en avez 25, j’en ai 46. Sauf que moi, je suis multi-générationnel, et j’en ai rien à foutre ! (rires) Nan, c’est le quartier, tout simplement. Le 18ème, 19ème , 20ème … c’est ce qu’il y a autour. Donc forcément, tu dis vas-y, on va donner un peu de peps au bordel.
Spleenter : Ça te dit quelque chose Joe Lucazz ?
Gab1 : Nan, comment tu dis ? Lucazzi ? Lucazzi, je connais, c’est un mec que je connais, qui s’est fait fumer. Du moins, il est pas mort, mais il marche avec un sac en plastique. Il a pris 2 balles dans le bidon. C’est le seul Lucazzi que je connaisse. Je connais pas ton pote. Lucazz … Peut-être Frank Lucas, je sais pas.
Genono : T’as déjà refusé des featurings ?
Gab1 : Généralement, je refuse. On a rien à se dire ! Pour dire quoi ? On a un calibre, on défouraille, etc ? Ça va aller. J’ai toujours eu la décence de ne jamais montrer un calibre dans une vidéo. Dans tout ce que je fais, tout ce que je dis, y’a toujours quelqu’un qui vient pomper derrière. Tu prends les 3 clashs, t’as une phrase à moi dans chacun des 3 clashs. C’est vérifiable toute la journée ! Depuis le début, vous parlez, le rap français parle, mais depuis le début, vous sucez qu’un mec : c’est wam. Aussi bien dans le physique que dans tout le reste. Dans la manière d’être, dans tout le reste, c’est que de la sucette, de A à Z. Le seul problème, c’est que je crache 3-4 fois dans la journée, donc y’en a pour tout le monde. Objectivement, regarde, avec du recul, et tu verras si je mens ou pas. Même en concert ! Tenir la feuille devant soi, c’est pas Oxmo, c’est pas Abd al Malik, c’est moi ! Parce que je ne connaissais pas mon texte ! (rires)
Je connais pas mes textes ! Je les écris, et basta. Et s’il vous plait, vive le playback ! Je pensais que c’était ça le rap, et je me suis fait niquer. Tu te retrouves et t’es là (il chantonne) « je suis seuuul au mooonde » (rires)
Déjà, je comprends pas pourquoi les gens sautent en l’air pour rien. Et surtout… pourquoi on doit chanter ? Dalida, elle chantait pas ! Cloclo, il chantait pas ! Mais je m’amuse toute la journée, et c’est l’important. Je suis un tailleur né, je taille. On m’a dit de faire un one-man show, c’est la dernière chose que je ferais, parce qu’il faut rire de tes conneries. Et je rigole pas de mes conneries ! Tant que t’arrives à trouver un point d’ancrage, et à faire à peu près ce que t’aimes, ça va aller.
Genono : Une de tes 1ères apparitions, c’était sur Première Classe…
Gab1 : Nan, c’est la 3e ! Avant ça y’a eu Liaisons Dangereuses, et j’en ai fait deux.
Genono : Première Classe, c’est eux qui t’ont invité ?
Gab1 : Je me suis invité. J’ai dit « si j’arrive à faire un ketru meilleur que le keumé qui est à l’intérieur, vous me mettez dedans. Si je pue la merde, et bah j’irai travailler, ou j’irai faire j’sais pas quoi ». Parait que t’es hardcore, bah mettez-le votre bordel de merde. Fais ce que tu fais d’habitude, qu’ils aillent tous se faire foutre. Et voilà, je l’ai fait. J’ai refusé le featuring avec R-O-H-2 fesses, parce qu’on a rien à se dire. T’es un mytho ! T’es un putain de mytho ! Mytho de chez mytho ! Et c’est prouvable toute la journée : t’es connu de la pharmacie ici, à la prochaine pharmacie. Y’aurait pas la musique, tu serais rien ! Et les mecs qui sont autour, c’est pareil. Rien à dire, rien à faire, que des mythos.
Spleenter : Ton entrée sur Liaisons Dangereuses, telle qu’elle est racontée dans le bouquin, c’est un gros quiproquo, parce qu’à la base tu venais pas pour ça …
Gab1 : Ouais, à la base j’étais là pour saucissonner Fred Chichin et Catherine Ringer. Je savais pas ce que j’allais faire du rap ! On m’appelait pour aller faire du rap … J’avais 31 piges ! Soyons sérieux, moi ? Cassez-vous de là ! J’avais un poto qui avait fait la même chose, il avait pris de l’oseille, avec une grande chanteuse française… Moi je m’invente pas des vies. Si t’as 500.000 euros dans la poche, je pense pas que tu vas les garder longtemps. Et tu peux aller au commissariat, rien à foutre : j’irai me rendre. Sans l’argent !
Spleenter : D’ailleurs Chichin avait fait une interview où il revenait sur sa seule expérience avec des rappeurs, il en gardait un mauvais souvenir, il disait que c’était des gens irrespectueux. Pourtant quand on lit ton bouquin, on a l’impression qu’ils s’étaient acclimatés.
Gab1 : Tout le monde s’acclimate, en fin de compte. Ça a duré 3-4 minutes, disons 10. Lui, il était pas au parfum, il était avec sa gratte, dans son coin, mais je sentais que c’était tendu. T’façon, moi j’étais tendu, j’avais mon fer, j’avais tout. Je les mettais dedans, et après commissariat ou pas, j’en avais rien à foutre. Ils viennent après, eux, ils viennent pas pendant. Donc tu peux faire ce que tu veux ! J’ai jamais eu peur de faire ce que je dois faire. La police elle est payée pour faire son job. Et même si elle doit venir après, elle fera son job, mais moi j’aurai fait le mien avant, j’en ai rien à secouer. Rest in peace, Fred Chichin.
Genono : Le clip de Ill Game, c’est un vrai clip ? Y’a un truc qui tourne, mais on voit pas ta tête dedans.
Gab1 : Ah ouais, c’est toujours oim ! Nan, j’ai envoyé mon petit frère, j’étais fatigué ce jour là.
Genono : Mais y’a un blanc aussi dans le clip, avec un masque.
Gab1 : Et bah dis toi bien un truc : c’est pas moi ! C’est mon petit frère ! Tu peux pas être à 2 endroits à la fois, donc y’a une partie du clip, c’est moi, et l’autre partie, c’est mon petit frère. Le fruit ne tombe jamais trop loin de l’arbre, c’est tout.
Spleenter : Y’a un truc qui m’a étonné dans le bouquin, c’est que tu développes pas beaucoup ton expérience de danseur. On a l’impression que tu as volontairement mis de côté tout l’aspect hip-hop.
Gab1 : Hip-hop, et rap. Volontairement. Parce que dans le rap, on m’aurait attendu sur ce que j’ai fait sur untel, etc. Et dans la danse, c’est exactement la même chose. Parce que dans la danse, y’a eu un courant qui est arrivé à un moment, qui s’appelait la hype, où t’as tous les danseurs de NTM, etc, et j’étais beaucoup trop fort pour eux. Tu demandes à n’importe qui, à la Java, au Bobino, j’étais beaucoup trop fort pour eux. C’est ce qui fait que j’ai toujours eu ce petit décalage avec eux, et que j’avais pas besoin d’aller à New York pour danser. J’avais pas besoin d’être dans un crew spécifique, c’était plutôt eux qui venaient me recruter. DCM Posse, c’était ça. Mais c’est surtout que la danse, comme le rap, c’était qu’un passe-temps. Du moins, le rap, c’est un accident. La danse, c’était pas un accident, c’était un passe-temps, mais un passe-temps parmi d’autres. C’est ce que je redis bien à chaque fois.
Y’a un film qui s’appelle Beat Street. Y’en a un autre qui s’appelle Warriors. Faut juste regarder les mecs les moins nombreux : c’est exactement de cette manière là qu’on se définissait, et c’est de cette manière là que je me définis. Dans Beat Street, t’avais les Rock Steady et t’avais les autres. Les Rock Steady, c’était les rockeurs, c’était ceux qui foutaient la merde. Mais c’était ceux qui dansaient mieux que les autres ! Le petit con, renoi, avec ses potes, ils avaient pas le niveau des autres, même pas une cacahuète ! Pour moi c’est exactement ça. Y’a des mecs qui allaient à la boxe, moi j’y allais, mais j’allais à la danse aussi. J’en parlerai peut-être, si j’ai que ça à foutre, dans le 2e bouquin. J’en sais rien. Y’avait la dépouille, y’avait la danse, y’avait le sport. J’ai fait les 3 en même temps, plus la drogue, le 4e, qui est arrivé. C’est le temps qui est comme ça.
Genono : J’ai une question par rapport à Tonton Marcel …
Gab1 : (rires) Woooh ! Boum boum, en direct de la cuisine ! Il est tranquille, c’est un bon. C’est le seul média qui m’a permis de revenir à flot pour pouvoir faire mes trucs sans qu’on vienne me casser les berges. Il te fait chier, mais c’est pas grave. Je préfère avoir un mec comme lui, et encore, je lui ai dit, à un moment je vais t’allumer. Et bref, il a accepté ça, comme moi j’ai accepté, je lui ai dit « viens quand tu veux ». Viens quand tu veux, c’est open mic ! Tu vas me raconter toutes tes conneries, tu vas me poser toutes les questions que tu veux, et je vais y répondre, c’est pas grave. En quelque sorte, on pourrait être dans la même chose, sauf que toi t’es un peu con de temps en temps. Mais c’est un mec bien, c’est vraiment un mec bien. Peut-être qu’il se fait un peu trop hacker son truc, mais bon, c’est des choses qui arrivent.
Spleenter : Dans le bouquin, tu parles pas vraiment du moment où t’as pris le rap US dans la gueule… c’est plutôt un truc d’arrière-plan, que tu calcules pas trop ?
Gab1 : Ouais, Aznavour, Johnny Hallyday, c’est ce qui tourne à l’époque. On a pas de musique américaine ! La seule musique américaine qu’on a, c’est Sugarhill Gang… bon, le truc, au bout d’un moment, ça va. Ça faisait quand même 7 ans qu’il était sorti, y’en avait marre. Y’avait Grandmaster Flash, qui est arrivé, très bien, après, plus rien. Il a fallu qu’il y ait le plus grand mytho de tous les mythos, Bambaataa, pour avoir à peu près de la musique. Mais y’avait pas Radio 7, y’avait pas la 4 ! Y’avait pas la 5 non plus, parce que c’est les deux chaines qui étaient musicales. Donc nous on était dans un carcan qui s’appelle La France, tu bouffes du Europe 1, du RTL. Tu bouffes pas autre chose. T’avais les infos du rock une fois par mois, et encore, quand je dis rock, c’était James. Et une fois de temps en temps, t’avais Rockwell, ou Michael, et là on était heureux. C’est tout ce qu’il y avait d’US en France. Sinon c’était Petula Clark, l’autre idiote de Jane Birkin … Ça fait 50 ans que t’es en France, t’arrives toujours pas à parler français, faut arrêter de nous casser les couilles. L’intégration, ça commence déjà par ça. C’est pas seulement réservé aux peaux claires.
Voilà, donc c’est arrivé à petites doses, mais quand c’est arrivé, on a pris conscience que … Adamo c’était un beau couillon ! Adamo, Pierre Bachelet et compagnie, c’est ce que t’avais toute la journée à la radio. C’est que des fils-de ! Voilà le problème : tu grandis avec des mecs, et tu vas te taper leurs merdeux à la fin ! C’est pas une grande famille, c’est juste une bande d’escrocs, c’est tout. Et t’es pas aigri, c’est juste que tu te dis … t’es énervé, tu te dis « mais c’est quoi cette merde ? ». T’as des gens autour, avec du talent, et t’as des mecs sans talent qu’on voit 24h/24 à la téloche, et ça, ça te fait chier. Et c’est pour ça que j’ai plus de télé ! J’ai viré ma téloche ! Mettre la Une, voir Arthur faire ses conneries à la con, ça va. Ça me fait mal au crane. Les informations, c’est même pas des informations. On est partis au Mali, et alors ? On a besoin de manger, enfoiré ! La baguette artisanale, elle est à 1E50. C’est 10 baguettes en 1998 ! Tu comprends comment on est en train de se faire mettre ? C’est quelque chose de sévère. De là, tu te dis mais de quoi ils parlent, ces cul-culs la praline ? La seule chose qu’ils savent faire, c’est parler du mariage des 2 qui ont envie de se fourrer. Vive la France, pays de trous du cul. Je suis français : un vrai trou du cul, comme un vrai français. Je suis aussi raciste que tout français. Donc si toi t’es raciste là bas derrière, et bah moi aussi.
Spleenter : A propos, dans le bouquin on te sent très attaché à ta couleur, alors que c’était pas forcément évident jusqu’ici. Quand on te manque de respect à ce niveau là, on sent que c’est le truc qui te fait démarrer.
Gab1 : Ah ouais, ça me fait démarrer. Quand t’as poussé ici, t’as crapahuté ici … Je comprends pas que les « whites » soient partis faire un tour en Afrique pour évangéliser, et quand tu reviens dans la maison-mère, on t’appelle Mamadou ! Je m’appelle Charles ! (très agacé) C’est le truc qui me fout vraiment les glandes, tu vois . J’étais dans des petits patelins de merde où les mecs essayaient de m’éduquer alors qu’ils avaient jamais vu le métro, la télévision en couleur, ces petits pécores de merde. Je leur disais, moi je suis de la planète mars, et toi t’es vraiment loin derrière, arrête de me casser les burnes pendant 20 plombes. Toujours en train de te rappeler ta couleur, de te rappeler ci, de te rappeler ça. Je suis désolé, mais mes grands-parents ils ont plus souffert que les tiens dans cette putain de guerre ! Les tiens, pendant la guerre, ils ont fait quoi ? Absolument rien. Parce que moi, je suis pas français à la base. Je suis germanophone, camerounais. Nous, on est pas français à la base. Du tout. Sauf que les miens, il a fallu qu’ils se battent un coup contre la France, un coup pour la France.
Y’a un moment, ça fatigue, toutes ces histoires. T’es français que quand tu gagnes des sous, ou que tu fais gagner quelque chose. Mais quand la France te doit quelque chose, y’a rien. Je ne suis pas Jacques Chirac, je ne suis pas François Mitterrand, nous leur avons rendu des services, et pas l’inverse. C’est le citoyen français qui leur a rendu service, qui a fait qu’ils se sont enrichis sur notre cul, qui a fait que ce pays est dans la merde aujourd’hui. Quand t’es français, tu n’attends pas que ton pays fasse quelque chose pour toi, et tu n’attends pas de faire quelque chose pour ton pays. Pourtant, c’est ce que t’entends chez les politicards : « ce que vous devez faire pour la France ». Ah ouais ? Mais t’es complètement con ou quoi ? On a tellement fait pour la France. Pour notre pays. Mais qu’est ce que ce pays à fait pour moi ?
Hé ouais, c’est le truc qui m’a toujours fait chier. Les mecs vont te juger par rapport à ta couleur ! Et c’est ce bled qui est comme ça. Quand t’es dans une grosse ville cosmopolite, tu penses qu’il y a du racisme, mais c’est faux. C’est quand tu vas dans les patelins, les hameaux, avec moins de 500 habitants, c’est là que tu comprends la vraie pensée du bled. Et la vraie pensée du bled, elle n’est pas multicolorée. Elle est plutôt ignorante, débile. La France c’est un vrai carrefour, et les mecs sont toujours en train de te parler de la race. Mais depuis quand y’a des français blonds aux yeux bleus ? Ils sont tous bruns, grosses oreilles, des choux. Généralement, ils ont aussi ta plantation, là-haut (il désigne l’épais monosourcil du Genono). C’est plein de conneries, ils auraient dû nous apprendre à vivre ensemble, ces enfoirés. Là, ils nous ont appris juste une chose, c’est nous détester les uns les autres. C’est tout ce qu’ils ont réussi à faire, en passant par l’autre enflure de merde de Charles De Gaulle. Si c’est ça votre héros national !
Imaginez-vous que les anglais et les allemands sont morts de rire ! Les américains pareil ! Et je les comprends. Votre héros national c’est un trouillard. Objectivement, je suis désolé, mais c’est un trouillard. Comment on les appelait pendant la Révolution ? Les sans-culottes ? Tout à fait ! Un problème, tu la baisses ! Sauf quand c’est les arcs et les flèches, là c’est plus facile de dire « nous allons vous pacifier ». Mais à ce que je sache, c’est tous ceux qui sont autour de vous qui vont ont pacifiés.
Classé dans Interview (et ouais mon pote !), MC Jean Gab'1